L’origine de l’architecture se confondrait avec celle du tissage et du tressage d’après Gottfried Semper. Il écrit :
Le Tectonique, du grec Tektonikos
Seul le matériau change mais la technique reste la même. Le tressage représente ce lien entre textile et tectonique, car il permet de réaliser des structures solides par entrecroisement et entrelacement.
1)Gottfried Semper, Du style et de l‘architecture – Ecrits, 1834-1869, traduit de l’allemand par Jacques Soulillou et Nathalie Neumann, Marseille, éditions Parenthèses, 2007, p.330, éd. originale 1860 2)André Leroi-Gourhan, L’homme et la matière, Paris, éd. Albin Michel, 1971, p.268, 1ère éd. 1943
2. Architecture premiere : Tresser l’enclos
Les Architectures premières, que l’on peut encore découvrir en Océanie ou sur le continent Africain sont des exemples d’une tectonique tissée. Gottfried Semper, dans son ouvrage
Une certaine continuité du processus de l’assemblage au tressage puis au textile semble crédible à la vue de nombreux exemples dans l’ouvrage L’architecture primitive de E. Guidoni4). L’ethnologue André Leroi-Gourhan englobe ces activités dans une vaste catégorie celle des
La réalisation de tous ces objets va de pair avec un tressage de l’enclos6), pour séparer l’intérieur de l’habitation de l’extérieur ainsi que pour différencier les espaces intérieurs. Gilles Deleuze et Félix Guattari établissent également un lien entre le tissage des vêtements et celui des tapis qui délimitent un espace habitable en écrivant :
Par opposition, l’habitat nomade intègre la mouvance et se présente davantage comme un espace ouvert et mobile.
3)Op. cit., Gottfried Semper, Du style et de l‘architecture – Ecrits, 1834-1869, p.330 4)Enrico Guidoni, Jean d’Yvoire, Architecture primitive, coll. Histoire de l’Architecture Mondiale, Paris, éd. Berger-Levrault, 1980 5)Op. cit., André Leroi-Gourhan, L’Homme et la Matière, Paris, éd. Albin Michel, 1971, p.274, 1èreédition1943 6)Op. cit., Gottfried Semper, Du style et de l‘architecture – Ecrits, 1834-1869, p.126 7)Gilles Deleuze, Félix Guattari, Capitalisme et Schizophrénie 2 - Mille Plateaux, Paris, Les Editions de Minuit, 1980, p.594
3. Huttes et yourtes : Liaisonner perches et treillis
Peu d’ouvrages s’intéressent encore aux habitations nomades anciennes. Un des raisons vient de leur progressive disparition.
Les huttes à la différence des tentes ne sont pas mobiles. Confectionnées rapidement avec les matériaux se trouvant à proximité, elles sont abandonnées lors du déplacement de leurs occupants. Pour leurs demeures couvertes originellement en peau, les Massaïs utilisent l’entrelacement afin d’assurer la stabilité de l’enceinte et de la voûte. Denis Couchaux écrit :
L’utilisation de matériaux naturels tels que les perches pour les huttes coupolaires permet de tresser des armatures qui allient flexibilité et solidité, par exemple pour les demeures des Alakalufs et des Pygmées. Plus les éléments sont liés entre eux, plus l’édifice résistera aux différentes contraintes. La liaison entre les perches de bois se fait à l’aide de joncs. Au Soudan, les Touareg confectionnent des tentes. Les arceaux sont fabriqués avec des racines d’acacia et le revêtement du toit de nattes de palmier doum. Les Toubous, nomades chameliers du Tchad forment également un réseau voûté de lattes flexibles entrecroisées.
La yourte, habitation traditionnelle des nomades Turkmènes, Kirghiz, Kazakhs⋯ et plus généralement de la mer Noire à la Mongolie, fait appel à un procédé plus élaboré que les huttes. La rapidité de son installation est proportionnelle à sa sophistication. Denis Couchaux écrit :
Grâce à la souplesse de sa structure en treillis articulé, la yourte résiste aux violentes tempêtes. Enveloppée de feutre, elle est entourée de cordes solidement attachées qui maintiennent ensemble les treillis circulaires en formant des anneaux de compression comme une structure précontrainte. L’extrême légèreté de la yourte, la flexibilité et la maniabilité de sa structure en treillis dépliable renvoie encore à la trame textile. Le feutre, par contre, n’est pas un textile tissé mais obtenu par foulage.
8)Denis Couchaux, Habitats Nomades, Paris, éd. Alternatives, 2011, p.43, 1ère edition 2004 9)Ibidem, Denis Couchaux, Habitats Nomades, p.123
4. Le Gothique tardif : Entrelacer les nervures
Dans un processus de dématérialisation et de recherche de verticalité, l’architecture Gothique transforme ses surfaces en réseaux de nervures et gagne en complexité géométrique. Ainsi le Gothique tardif au 16èmesiècle très spectaculaire en Grande Bretagne et en Europe centrale ressemble davantage à un tressage ou maillage, exemples la chapelle du King’s College (1441-1515) à Cambridge sur une trame orthogonale de
Le tissage floral au plafond donne une impression de légèreté et de flottaison au système de voûtes. La continuité des nervures représente non seulement un idéal esthétique mais l’expression d’une solution technique, celle d’un transfert continu des charges de l’horizontale, la couverture d’un espace, à la verticale, les piliers jusqu’au sol. Tout comme le tissu qui tire sa solidité de la continuité et de l’entrelacement des fils, l’architecture gothique tardive privilégie la continuité pour assurer sa solidité. La prolifération des nervures, comme celle des fils du tissu, diffuse, répartit, dissémine les pressions et les tensions afin d’assurer sa résistance et sa cohésion. Farshid Moussavi écrit :
L’emploi d’une double courbure démontre une grande maîtrise de la géométrie non-euclidienne. La pierre, matériau tellurique, se métamorphose en un réseau aérien. Les rosaces annoncent un processus qui va aller en s’amplifiant d’une dématérialisation de la limite entre intérieur et extérieur vers toujours plus de transparence et de clarté. Leur remplage, réseau de pierre garnissant l'intérieur d'une fenêtre ou d'une rose, rappelle une matière textile, celle du napperon en dentelles. Egalement la tracerie, décoration autour de la fenêtre ou de la rose s’apparente à une forme de tissage souvent floral.
Lars Spuybroek, dans son essai
L. Spuybroek compare cette morpho-dynamique du Gothique où les piliers ne sont qu’un rapprochement de nervures qui se meuvent dans l’espace selon des trajectoires souples, libres pour former une trame, un réseau sous les voûtes. Il poursuit :
10)David Watkin, A History of Western Architecture, New York, Watson-Guptill Publications, 2005, 4ème edition, p.180, éd. originale 1986 11)Christian Norberg-Schulz, La Signification dans l’Architecture occidentale, Bruxelles, Pierre Mardaga, 1977, p.211, 1èd. en italien, Significato nell’ architettura occidentale, Milano, Electa Editrice, 1974 12)Farshid Moussavi, The Function of Form, Harvard University, Graduate School of Design, Barcelone, Actar, 2009, p.215, “The nave of St-Barbara transmits an optical affect of curvilinearity, ribbing and variegation, and an acoustical affect of diffusion and slowness” 13)Lars Spuybroek, « The Digital Nature of Gothic », dans Textile Tectonics, Rotterdam, Nai Publishers, 2011, p.17, « The Gothic has movement [⋯] because it converts this physical movement into abstract structure. It does so with the most precise articulation, by counting, grouping, unraveling, regrouping, precisely in the manner of textile techniques that previously had been normally found only in ornament. » 14)Ibidem, Lars Spuybroek, « The Digital Nature of Gothic », dans Textile Tectonics, p.25, “In the Gothic, all ornament is vertical : ribs are fundamentally vertical, like the vegetal tendrils of Art Nouveau, and to make horizontal connections, these verticals need to bend, touch and interweave, creating a web spanning from on e side to the other.”
5. Antoni Gaudi : Fils suspendus comme modeles
Antoni Gaudi (1852-1926) choisi la matière la plus fine, la plus légère et la plus souple, le fils, pour simuler la squelette de son projet d’église de la colonie Güell, un procédé plusieurs fois expérimenté sur diverses réalisations architecturales.
Cette maquette en fils positionnée à l’envers, fait partie d’une recherche à la fois technique et morphologique en trois dimensions. Elle permet de simuler l’effet de la gravitation et la charge des matériaux en attachant des poids méticuleusement calculés16). Jean-François Pirson écrit:
La forme de l’édifice est censée prendre en compte celle des fils suspendus afin de canaliser toutes les forces en présence. Car le tissage des fils correspond à un réseau de charges que le squelette en pierre doit supporter. Toute modification ponctuelle du poids provoque par répercussion la modification de la forme et de la position de l’ensemble des fils qui sont interconnectés. L’objectif étant d’arriver par ce processus dynamique et interactif à une maîtrise constructive de la totalité de l’édifice. Différentes étapes de la conception donnant lieu à des changements de la maquette ont été conservé par des photographies. Jos Tomlow écrit :
La courbure des arcs provient directement de l’analyse de la courbure des fils suspendus, comme celle de la chaînette ou caténaire, technique très utilisée au 18ème et 19ème siècles car elle permet de distribuer uniformément le poids qu'elle supporte. La souplesse du fils suspendu génère une géométrie continue, non-euclidienne, de courbes hyperboliques et paraboliques. Gaudi aurait déclaré :
A son époque, seule une maquette de fils pouvait permettre de visualiser cette géométrie en trois dimensions. Aujourd’hui, il existe de nombreux logiciels qui permettent de simuler à l’écran ces surfaces courbes à l’aide d’une image filaire, d’un maillage ou pavage de la surface courbe qui rappelle encore le tissage.
15)Isabel Artigas, Gaudi Complete Works / Das Gesamte Werk / L’Oeuvre Complète, vol.2, trad. française Annabelle Labbé, Cologne, Evergreen, 2008, p.414 16)La maquette de 4 mêtres de haut, maintes fois ajustée de 1898 à 1908, a été réalisée à l’échelle 1/10ème avec une simulation des charges au 1/10000ème 17)Jean-François PIRSON, La Structure et l’Objet (essais, expériences et rapprochements), Bruxelles, Pierre Mardaga éditeur, 1995, p.61 18)Jos Tomlow, “The spirit of calculation in the architectural work of Gaudi”, dans Gaudi 2002 Miscellany, ouvrage collectif, dir. Daniel Giralt-Miracle, Gaudi International Year Commemorative Edition, Barcelone, co-édition Ajuntament de Barcelone & Planeta, 2002, p.190, “the hanging model was finished in such a way that, in our opinion, no theoretical errors existed which would make completion of the building impossible ⋯” 19)Antoni Gaudi, Paroles et Ecrits, textes réunis par Isidre Puig Boada, trad. du catalan Annie Andreu-Laroche et Carles Andreu, Paris, L’Harmattan, 2002, p.137. Les paroles de Gaudi ont été recueillies par nombre de ses collaborateurs. Textes issus de 11 sources différentes.
6. Frei Otto : Entrecroiser des elements continus
Précurseur de l’architecture textile20), Frei Otto n’en a pas moins conduit des recherches sur tous les types de structures légères. Sa recherche de la bonne forme se base sur l’observation de la nature21) et la connaissance des sciences naturelles. Il tente de cerner des lois universelles de la physique, de la mécanique et de la gravité à travers une expérimentation en trois dimensions à l’aide de modèles tissés et tressés. Très tôt intéressé par les modèles de filets suspendus de A. Gaudi, il en fera faire une reconstitution fidèle. Pour tester les performances de ses dômes tressés, il n’hésite pas dans les années 60 à faire construire des modèles de tailles importantes en lattes de bois. Leur forme reproduit aussi scrupuleusement que possible celle de modèles suspendus qu’il photographie avec précision.
Une longue expérience de recherche des performances techniques et économiques des structures conduit F. Otto à rappeler un principe intrinsèque et primordial de l’intérêt du tissage, celui d’assurer une cohésion par entrecroisement d’éléments continus. Les méthodes basées uniquement sur les calculs ont fait oublier l’importance du geste originel, ancestral, celui d’entrelacer des éléments longs et continus. Il rappelle le risque qui existe à vouloir constituer des maillages de segments non continus par assemblage et non par entrecroisement :
Le hall d’exposition botanique de la Federal Garden à Mannheim23) en 1975 constitue un exemple spectaculaire d’une couverture à double treillis de bois tressé. Il illustre le principe de continuité des lattes à la fois déformables et continues qui fabriquent le treillis. Ce type de dôme en treillis basé sur un modèle suspendu permet de couvrir des surfaces très importantes avec un minimum de matière. Philip Drew détaille par les chiffes, la performance technique :
20)L’architecture textile fait appel à la technologie des membranes et tissus généralement tendues par des câbles et suspendues par des haubans. Il s’agit d’une utilisation directe du textile, une évolution contemporaine de l’architecture traditionnelle des tentes et des chapiteaux. 21)Frei Otto, Bodo Rasch, Finding Form: Towards an Architecture of the Minimal, Londres, éd. Axel Menges, 1996 22)Frei Otto, Juan Maria Songel, A Conversation with Frei Otto, New York, Princeton Architectural Press, 2010, p.57-60, éd. originale Conversacion con Juan Maria Songel, Barcelone, éd. Gustavo Gili, 2008, “they are very dangerous and expensive⋯ they lack safe points, because no element crosses them continuously [⋯], quadrilateral meshes have the advantage of bars that cross the knots continuously and permit simple construction” 23)Winfried Nerdiger, Irene Meissner, Eberhard Moller, Mirjana Grdanjski, Frei Otto. Complete Works, Bâle, Birkhäuser, 2ème édition 2005, 1ère édition 2001 24)Philip Drew, Form and Structure, Londres, Crosby Lockwood Staples, 1976, p.140
7. Shigeru Ban : Tressage sculptural
L’architecture textile n’entre pas dans cette recherche sur la transposition tectonique du textile car elle utilise littéralement la toile textile pour couvrir l’espace. C’est justement ce que l’architecte Shigeru Ban cherche à éviter, une architecture de toile tendue qui nécessite des mats de suspension et un haubanage. Elle a pourtant influencé la conception architecturale de S. Ban. Il écrit :
L’architecte cherche le matériau qui puisse lui offrir à la fois la flexibilité du tissu tout en ayant des qualités tectoniques. Le bois lamellé-collé lui apporte la solution à la fois esthétique et technique pour le musée Pompidou à Metz. Pour la conception de sa couverture, l’architecte S. Ban s’est inspiré du motif et de la forme d’un chapeau chinois. Il écrit :
La toiture souple en forme d’hexagone de 90 mètres de largeur recouvre les volumes du bâtiment tel un voile. Les lames de la charpente, espacées de 2,90 mètres, dessinent une trame hexagonale qui forment un tressage structurel. L’architecte précise :
Le maillage de la structure fait de bois lamellé-collé, hautement résistant et offrant des longueurs hors normes, est superposé en deux couches dans les trois directions de l'hexagone. Ce maillage permet de franchir des portées d'environ 40 mètres, et de faire de la toiture un élément autoportant, qui repose sur quatre appuis seulement. La géométrie toute en courbes et contre-courbes, enveloppe les différents éléments du bâtiment, et notamment les trois galeries d'exposition. L'ensemble de ce tressage structurel est recouvert d'une membrane translucide, toile protectrice à base de fibre de verre et de téflon28). Au-delà des performances techniques, le choix d’une structure tressée monumentale aux qualités plastiques indéniables répond à l’objectif d’attirer un large public comme le confirme l’architecte :
25)Shigeru Ban, Philip Jodidio, Shigeru Ban: Complete Works 1985-2010, Cologne, Taschen, 2010, « I was fascinated with the tensile wiremesh structure while also being left some doubts. [⋯] I wondered about the possibility of making a grid structure using wood (laminated timber)that can be easily bent two-dimensionally, where the roof can be placed directly on top. » 26)Ibidem, Shigeru Ban , “This idea came from a traditional woven Chinese hat I found in an antique shop” 27)Ibidem, Shigeru Ban, “the hexagonal is composed of a pattern of hexagons and equilateral triangles inspired by traditional woven bamboo hats and baskets of Asia.” 28)PTFE ou Poly-Tetra-Fluoro Ethylène 29)Ibidem, Shigeru Ban, « The strategy was to create sculptural architecture in an internationally unknown city to draw tourism⋯[⋯] I thought to create a design concept which considered the ease of displaying and viewing art, while architecturally leaving a deep impression with visitors. »
8. Toyo Ito, Cecil Balmond : Algorithme mathematique pour tisser
Le Pavillon de la galerie Serpentine à Londres conçu par l’architecte Toyo Ito et l’ingénieur Cécil Balmond révèle une analogie avec le processus de tissage, malgré son plan carré et sa structure en lames d’acier. C. Balmond déclare :
Au lieu de couvrir l’espace avec des poutres parallèles et des poteaux, les concepteurs décident d’utiliser un mode de tissage mathématique à l’aide d’un algorithme qui va générer des lignes qui en se croisant tissent un réseau structurel. C. Balmond poursuit :
L’avancement récent dans le domaine de l’informatique permet de penser autrement le tissage de structures. Cette idée géométrique devient un processus dynamique et structurel qui annule toutes les catégories de l’architecture faites d’éléments conventionnels, tels que poteaux, poutres, toit, portes, fenêtres. Le réseau des lignes entrecroisées qui couvre l’espace horizontalement se replie verticalement sur les quatre faces du pavillon dans une totale continuité pour former les montants de la structure. Ces lignes deviennent dans la construction des profils en acier plats mais trop peu solides pour couvrir l’espace, ils nécessitent d’être entrecroisés. On peut lire dans l’ouvrage Verb Matters :
Le tissage ou tressage, même dans un édifice contemporain, répond ici à la nécessité de créer avec une matière flexible une structure réticulaire rigide. Mais c’est surtout le procédé du tissage transposé en
30)Cécil Balmond, “Tresser, tisser, entrelacer”, propos recueillis par Axel Sowa dans L’Architecture d’Aujourd’hui, n°369, mars-avril 2007, Supports et Surfaces, Paris, éd. Jean-Michel Place, p.57 31)Ibidem, Cécil Balmond, “Tresser, tisser, entrelacer”, p.57 32)Albert Ferre , Ramon Prat, Tomoko Sakamoto, Jaime Salazar, Anna Tetas, « Pavillon de la Serpentine Gallery 2002 », dans Verb Matters, Barcelone, éditions Actar, 2006, p.176 33)Juan Antonio Cortes, “[Toyo Ito’s search for a new organic architecture] Beyond Modernism, Beyond Sendai”, dans El Croquis, n°123, 2004, Toyo Ito 2001 2005, Madrid, éd. El Croquis, 2004, p.31, “an algorithmic mechanism of geometric generation consisting of a series of squares that are rotated one by one and reduced in size, one inside the other, i.e., a spiral movement of squares.”
9. Herzog & de Meuron : Enchevetrement monumental
Jacques Herzog et Pierre de Meuron, concepteurs du stade olympique de Beijing, gigantesque résille aléatoire d’acier, confirment que :
A partir de cette apparence naturelle, l’auteur attribue au stade des caractéristiques artisanales, celles de la vannerie et remonte dans la généalogie de l’architecture. Il poursuit :
Ces indications visuelles de lecture : la nature et la vannerie nous amènent à considérer cet exemple pourtant très contemporain comme un avatar supplémentaire du tissage en tectonique dans l’architecture. Au-delà ses qualités plastiques, un tel tressage monumental répond à divers objectifs, d’une part de préserver une ventilation naturelle, d’autre part d’envelopper les constantes mutations programmatiques des services, enfin, grâce à sa grande porosité, de créer un vaste espace ouvert et couvert au public autour du stade. J. Herzog et P. de Meuron précisent :
L’enchevêtrement des lignes du maillage donne à l’édifice un impact visuel fort qui assure son unité et le préserve de toute transformation programmatique. Seul le maillage apparaît à l’oeil. Comme pour le pavillon de la galerie Serpentine à Londres conçu par Toyo Ito, la stratégie du tissage permet de quitter les catégories traditionnelles de l’architecture, telles que le toit et la façade, mais d’intégrer l’ensemble des réponses, techniques, spatiales, esthétiques en une solution unique. Ils écrivent :
34)Jacques Herzog, Pierre de Meuron, “The National Stadium, a new kind of public space for Beijing”, dans leur site Internet officiel :http://www.herzogdemeuron.com, “the Chinese themselves nicknamed the stadium “Bird‘s Nest”” 35)Jean-Pierre Allain, « Stade olympique, Beijing, Chine – Herzog et de Meuron », dans L’Architecture d’Aujourd’hui, n°369, mars-avril 2007, Supports et Surfaces, Paris, éd. Jean-Michel Place, p.40 36)Ibidem, Jean-Pierre Allain, p.40 37)0p. cit., Jacques Herzog, Pierre de Meuron, “The National Stadium, a new kind of public space for Beijing”, “This area between inside and outside affords the opportunity to create a new kind of urban and public place. [⋯] the really novel feature of the project is clearly the transitional space between interior and exterior” 38)0p. cit., Jacques Herzog, Pierre de Meuron, “The National Stadium, a new kind of public space for Beijing”, “ Structure = façade = roof = space. The spatial effect of the stadium is novel and radical, and yet simple and of an almost archaic immediacy. Its appearance is pure structure. Façade and structure are identical.”
Il aura fallu toute l’obstination des hommes pour arriver à tisser une toile à partir d’un fil fabriqué à l’aide de fibres végétales ou animales. De même, il aura fallu toute l’imagination des hommes jusqu’aux architectes contemporains pour tresser entre-eux des éléments linéaires afin de réaliser des surfaces de plus en plus élaborées répondant à des besoins de plus en plus sophistiqués (exigences structurelles, thermiques, esthétiques).
Si tisser permet de créer une enveloppe thermique, un écran de protection qui adopte la forme désirée et tresser permet de créer une structure, plus ou moins rigide, capable de supporter des contraintes mécaniques, les deux mettent en oeuvre un procédé identique et ancestral, celui d’entrecroiser des éléments linéaires pour réaliser une matière complexe, élaborée, performante.
Au-delà des aspects techniques, la matière tressée révèle des qualités esthétiques. La trame, plus ou moins complexe géométriquement, produit une surface texturée, hybride, riche.
Ces qualités esthétiques apparaissent déjà dans les architectures premières des huttes. Le treillis forme un décor pour l’intérieur de la yourte et les entrelacements du gothique tardif un ornement de pierre. Antoni Gaudi cherche manifestement par ses maquettes de fils, non seulement la forme stable structurellement mais aussi la belle forme qui conduira la lumière. Frei Otto, en cherchant la structure la plus légère et la plus fine possible participe à cette esthétique tressée de la performance. Shigeru Ban revendique cette volonté d’utiliser une trame en lamellé-collé offrant des qualités visuelles et sculpturales. J. Herzog et P. de Meuron créent un choc visuel en fabriquant une texture enchevêtrée monumentale comme image unique pour le stade olympique de Beijing.
En choisissant de traiter la dimension tectonique du textile dans l’architecture, nous avons volontairement restreint les caractéristiques du textile à un réseau d’entrecroisement, d’entrelacement et d’enchevêtrement. Il existe une confluence très large d’intérêt par les théoriciens, architectes, ingénieurs, designers, scientifiques et artistes pour la matière du textile qui comporte de très nombreuses qualités esthétiques, techniques, mécaniques. Un mode hybride existe aujourd’hui entre architecture et textile que l’on peut qualifier d’Architextile, selon Mark Garcia39). Un hybride d’
39)Mark GARCIA, “Architecture + Textiles = Architextiles”, introduction dans Architectural Design, Architextiles, nov./déc. 2006, West Sussex, éd. Wiley-Academy, 2006, p.5-20 40)Lars SPUYBROEK, The Architecture of Continuity – Essays and Conversations, Rotterdam, V2_Publishing, 2008, spécialement “Experience, Tectonics and Continuity”, p.12-31 et “Textile Tectonics”, p.226-243