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REPRESENTATIONS DE L’ANGLAIS CHEZ LES CADRES SUPERIEURS FRANCAIS 영어에 대한 프랑스 교수들의 의견
  • 비영리 CC BY-NC
ABSTRACT
REPRESENTATIONS DE L’ANGLAIS CHEZ LES CADRES SUPERIEURS FRANCAIS

영어는 점점 더 중요해지고 있으며, 과학적 리서치, 미디어, 경제활동등과 같은 민감한 부분에서 자신의 영역을 확장하고 있다. 영어는 랑구아프랑카로, 현대 사회의 니즈에 부합하고 있다. 본 연구는 셰익스피어 언어에 대한 프랑스 교수들의 인지를 연구하고자 한다. 영어에 대한 학생들의 의견연구는 많았지만, 다른 분야에서 일하는 교수들이 영어를 어떻게 받아들이는지, 어떻게 습득하는지, 그리고 그들의 커리어에서 영어의 중요성에 대한 연구는 부족했다.

본 연구는 프랑스인 관리자들이 어떻게 한국어를 지각하는지에 대해 대답하려는 시도이다. 본 연구 결과로써 프랑스인이 상상하는 영어의 지위가 명확하게 되며 프랑스인의 영어에 대한 태도, 동기, 그리고 행동도 확인된다.

KEYWORD
Representations de l’anglais , Cadres superieurs francais , Attitudes linguistiques , Stereotypes de l’anglais , Fonctions de l’anglais , Bilinguisme
  • 1. Introduction

    En 1898, à la question « quel est le facteur décisif dans l’histoire moderne ? » qu’un journaliste a posé à Otto Von Bismarck, ce dernier a répondu : «Le fait que les Nord-Américains parlent anglais.»

    À l’heure de la mondialisation qui caractérise ce nouveau millénaire, les peuples du monde s’unifient, les cultures cohabitent et les paysages linguistiques mondiaux changent de décors en conséquence. Nous assistons de nos jours à une révolution, une force sociale à l’échelle planétaire qui a tendance à dominer l’évolution de la situation linguistique de chaque pays. Les développements politiques et économiques du vingtième siècle ont été déterminants et leurs effets semblent se propager sur le siècle suivant. Le besoin de communication des peuples stimule le développement de la technologie, du commerce et du tourisme international. Plusieurs auteurs avancent que ces changements entraînent la prolifération de la langue anglaise non seulement dans les domaines internationalisés (les échanges économiques, les sciences, la production des biens culturels), mais aussi de nouveaux domaines comme l’éducation. L’usage de l’anglais a même atteint les entreprises, la publicité et les médias.

    Pour savoir comment les cadres supérieurs français perçoivent l’anglais dans l’imaginaire, ainsi que pour cerner les attitudes, les motivations et les comportements des Français à l’égard de l’anglais nous avons entrepris ce travail. Cette représentation est essentielle, car elle conditionne la qualité de l’apprentissage, le degré de confiance de l’individu, français en l’occurrence, lors de l’usage de l’anglais. La détermination des divers stéréotypes agissant aussi bien de manière positive que négative sur l’usage de l’anglais dans la vie courante, ainsi que dans le travail, et permettra peut-etre de dégager des grandes lignes pour un enseignement plus approprié. Plusieurs courants ont recours à la notion de représentation comme par exemple Giordan & De Vecchi (1987), Lafontaine (1986) et Matthey (1997b). Les recherches portant sur les comportements linguistiques et les attitudes sont souvent menées en milieu scolaire pour l’essentiel, ayant pour but de prédire et d’agir sur les comportements d’apprentissage. Mais notre étude répond à notre désir de sortir du cadre scolaire censé etre ≪ le foyer du bilinguisme ≫ pour appréhender des bilingues dans la vie active. Notre étude est basée sur une approche qualitative. L’entretien semi-directif est approprié pour notre projet car il favorise la dimension interactionnelle des échanges. Les discours produits constituent un substrat duquel on a tiré des indices des représentations de la langue anglaise chez les usagers français. Avec un entretien on peut faire un va-et-vient constant entre généralités et vécu personnel afin de relever ce que l’anglais représente pour l’enqueté ≪ personnellement ≫.

    2. Les representations linguistiques

    Selon Émile Durkheim, la connaissance du réel est partagée par une communauté d’individus. Cette théorie, largement partagée par de nombreux auteurs, fait que la représentation est « collectivement produite et engendrée » (Moscovici, 1961). La dimension sociale de la représentation est la résultante de points de vue personnels et représente selon nous une « passerelle » qui est tissée par des interactions entre l’individu et la collectivité. Chaque individu a un point de vue concernant l’anglais qui se construit en échangeant les idées avec autrui, construisant une réalité autour de l’anglais. Une connexion entre les représentations sociales de l’anglais et les rapports sociaux s’élabore sans que les acteurs n’en soient conscients.

    C’est dans le discours des Français que circulent les représentations, nous avons donc choisi de nous centrer sur leur activité discursive. Développer des relations, comprendre le monde, passe par des connaissances et des représentations sociales que sont les «éléments de la conscience sociale» qui oriente la perception de l’environnement. Le matériau verbal produit par les Français, même si leurs représentations sont individuelles, nous fait accéder à un savoir commun, à une vision partagée et socialement élaborée.

    3. Methodologie de l’enquete

    L’enquête repose sur un petit nombre d’entretiens obtenus auprès d’une catégorie de Français (cadres et chercheurs) utilisateurs de l’anglais. L’étude explore les discours de onze enquêtés, neuf discours produits en situation d’entretien oral, et deux discours (T10 et T11) constitués à partir d’un entretien par écrit (les questions du guide d’entretien leur ont été envoyées par e-mail). Les caractéristiques linguistiques et socio-démographiques des sujets de notre étude sont présentées dans le tableau 1.

    Bien que le nombre ne soit pas véritablement significatif au sens statistique du terme, les entretiens ont fait ressortir «la subjectivité attendue». Partagées ou singulières, les représentations de l’anglais chez les témoins interrogés semblent se différencier en fonction de l’impact émotionnel.

    Les questions dans les entretiens ont visé à obtenir du discours explicatif sur la façon dont les sujets se représentent l’anglais sous des angles différents, et du méta-discours évaluatif sur la situation de l’anglais telle qu'ils la perçoivent. Ces discours essentiellement épilinguistiques ont retracé la «fiction» que se font les sujets de l’anglais et nous ont servi pour les analyses du contenu. Le corpus recueilli représente plus de six heures d’enregistrement, soit une centaine de pages de transcription. Les entretiens ont duré entre 20 minutes et une heure. Une analyse thématique a été effectuée après retranscription des entretiens.

    4. L’analyse des resultats

    L’information recueillie, au cours des entretiens, s’est vue donner une ossature que nous avons élaborée afin de faire émerger quelques grands thèmes de notre recherche. Le repérage des unités sémantiques s’est suivi par une catégorisation des idées exprimées par les témoins sous forme de groupes thématiques. Six thèmes principaux sont ressortis et sont schématisés dans un mandala (Fig1). Le centre de ce mandala est une représentation principale, invariable à l’échelle sociale et individuelle, résultant de l’interaction, la synergie et l’antagonisme des représentations, que nous avons recueillie au travers des entretiens. Ce mandala ayant la particularité d’être dynamique, croît dans le temps en fonction des données sociales changeantes et en fonction de l’expérience des individus. Les représentations recueillies, par répétition d’items, gravitent autour de ce centre de domination dans un mouvement ordonné, provoquant parfois des collisions entre les items. Ce mandala grandissant, au centre invariable est donc l’héritage social que chaque cadre supérieur français reçoit pour l’enrichir de son expérience et le transmettre à son tour.

       4.1. L’expansion de l’anglais.

    La domination

    L’image de l’anglais comme langue dominante prend la forme de «dévastation», concept évoquant aussi bien la puissance mais dans son aspect négatif, indésirable ; il s’agit d’une situation non-acceptée, la mimique de l’enquêté témoignait du mécontentement et désapprobation: «l’anglais a dévasté tous les domaines, on le retrouve dans tous les domaines, au niveau commercial, touristique, à tous les niveaux » (T9). Cette domination est fortement liée aux Américains, qui sont pourvoyeurs d’une image de support à la domination de la langue anglaise, ce point de vue est partagé par tous les autres sujets interrogés : « si ce n’était pas les Américains qui dominent le monde, peut-être que l’anglais ne serait pas aussi dominant. Tant que ça fait que les Américains dominent l’anglais dominera surtout » (T3). L’hégémonie n’est donc pas le fait de la langue qui n’est qu’un instrument de domination, tout au moins, elle est perçue comme telle par ses utilisateurs.

    Il existe toutefois une nuance entre ces déclarations qui oscillent entre le déni et l’indifférence. Les deux facettes sont en fait l’expression d’une même idée qui renvoie à la dominance linguistique ; l’une refusant d’admettre cette domination; et l’autre en la minimisant et en faisant une question secondaire et sans importance : «il n’y a pas que l’anglais, il y a l’espagnol aussi c’est pas rien hein, dans certains endroits du monde, le français dans certains, l’arabe aussi, et même le chinois» (T2).

    Le sujet suivant s’est référé à l’histoire pour justifier sa position vis-à-vis de la domination de l’anglais. Si aujourd’hui c’est l’anglais, l’espagnol est évoqué en premier avant le français suggérant que l’espagnol puisse être la prochaine langue dominante, la position de l'anglais, pour lui, n'a donc rien de nécessairement durable : «l’anglais est devenu une langue dominante mais il y a un temps pour ces choses-là, il fut un temps où c’était le latin (⋯) un temps où c’était le français, maintenant c’est l’anglais, dans un siècle ou je ne sais pas, l’anglais dominera un temps et une autre langue dominera ensuite, ça sera l’espagnol peut-être ou le français pourquoi pas» (T1).

    Les positions respectives du latin et du français, ont paru inexpugnables en leur temps. Si une langue veut conserver sa place dans le monde, elle doit «séduire» les générations l’une après l’autre. L’anglais «séduit» le monde depuis les années 1950 et semble porté depuis un siècle et demi par un courant irrésistible.

    L’expansion de l’anglais est donc décrite par les sujets comme une «dévastation» dans tous les domaines, une opération guidée par les Américains qui dominent le monde, mais aussi comme un développement naturel non inquiétant. Il serait intéressant de comprendre le mécanisme de ces prises de positions. Joshua Fishman (1974) a décrit l’évolution de l’anglais comme naturelle mais pour Robert Phillipson (1992), la diffusion explosive de l’anglais serait un «impérialisme linguistique» au profit des pays anglophones en particulier États-Unis et la Grande-Bretagne. Enfin, pour Yokio Tsuda (2008), la situation de l’anglais est un problème d’hégémonie linguistique, d’inégalités communicatives et sociales et de «colonisation des pensées». Cette forme de colonisation renvoie, d'un côté, à la situation de dominance de la langue anglaise, par son prestige et sa hiérarchie inculqués dans les pensées et les opinions, et d'un autre, au dominé qui dévalue sa propre langue et s'infériorise par rapport à la culture de la langue dominante.

    Ces réactions des sujets de notre étude reflètent selon nous l’insouciance vis-à-vis du futur de leur langue. L’omniprésence du français dans la vie de tous les jours, et la faible proportion que s’est octroyé l’anglais au sein du langage des Français en général, génère une impression de sécurité, en somme, l’anglais ne menace en rien le français, tant que tout le monde parle français: « regarde, tu te promènes en France et tout le monde parle français!» (T1). Claude Hagège (1987) avait déjà fait cette constatation il y a près de trente ans: « Les Français (⋯) ne paraissent guère préoccupés par l’avenir de leur langue (⋯) ils ont la conviction, peu consciente, que leur langue est éternelle». Aujourd’hui, le français emprunte beaucoup de termes l’anglo-américain. Pour Claude Hagège, le français n'est nullement menacé par le degré d’emprunts et, au contraire, c’est un avantage tant que le noyau dur de la langue n’est pas atteint. Cet avis n’est pas partagé par l’Académie Française: «Jugeant que la concurrence de l’anglais, même dans la vie courante, représentait une réelle menace pour le français et que les importations anglo-américaines dans notre lexique devenaient trop massives, les autorités gouvernementales ont été amenées, depuis une trentaine d’années, à compléter le dispositif traditionnel de régulation de la langue » (Académie française, 2013)

    Les emprunts a l’anglais

    En France, où l’étude lexicographique des anglicismes est une tradition ancienne, on retrouve Le Dictionnaire des anglicismes comme un ouvrage de référence. Son édition de 1981 dénombre un total de 2260 termes anglais dans l’usage courant, ce qui représente 2,5% (contre 3% à 4% d’emprunts d’origine linguistique étrangères) du nombre total du vocabulaire français (Flaitz, 1988). Michel Serres constate dans une interview accordée au quotidien La Dépêche parue le 20 octobre 2013 qu’"Il y a plus de mots anglais sur les murs de Toulouse qu’il n’y avait de mots allemands sous l’Occupation”, faisant référence aux slogans publicitaires rédigés en anglais.

    Chaque année, plusieurs néologismes sont intégrés dans la langue française, lexicalisés en français et répertoriés dans le Petit Larousse. Une étude sur les anglicismes Barbara Cynarska-Chomicka (2011), donne des exemples récents de ces emprunts à l’anglais répandus dans le vocabulaire français de la mode. Des mots comme: “flashy, fun, hard, people, piercing, sportswear, vintage”.

    Les attitudes adoptées à l’égard de l’usage de mots et d’expressions en anglais sont plutôt favorables. Le français règne en maître incontesté sur son territoire imperturbable. Les Français insouciants vis-à-vis de cette progression de l’anglais dans le monde, en minimisent à priori l’impact sur le français. L’usage d’anglicismes ne suscite guère de méfiance ou d’inquiétude. Ces anglicismes et ces emprunts provoquent à défaut d’enthousiasme, de l’indifférence. Bien que l’âge des sujets interrogés soit variable on ne peut trancher que les plus jeunes soient plus ouverts à l’usage des anglicismes.

    Pour tous les enquêtés l’usage des mots anglais fait partie de la liberté individuelle et du cours naturel de la vie. Chacun perçoit ces anglicismes en fonction de sa propre ouverture. Dans le discours du témoin T2 se trouvent les idées partagées par tous les témoins sur ce point. En effet, le sujet T2 considère l’emploi des anglicismes comme une réalité naturelle, résultat d’une présence médiatique et commerciale importante, sans que cela ne conduise à la perte d’une quelconque position du français qualifiant qu’il ne s’agit que de «frime»: «c’est un certain jeu, avec le fait que ce soit de l’anglais soit un peu de frime» (T2).

    Un autre témoin introduit ce rapport d’échange entre les langues perçu comme un avantage: «l’anglais a assimilé, de son côté, de nombreux mots et expressions en français (⋯), je pense que chaque langue a le droit d’emprunter aux autres sans se mettre du tout en péril»(T11). Ces anglicismes traduisent un désir de s’exprimer, «de se faire comprendre», le témoin T8 adore employer des termes anglais dans le travail : «moi j’aime bien au travail parler avec les collègues de travail de temps en temps et dire let’s go let’s go, c’est, je ne sais pas, c’est une façon de communiquer, de de de se comprendre en étranger» (T8).

       4.2. L’anglais langue d’enseignement

    «L’enseignement de l’anglais» qui a été spontanément évoqué par tous les témoins. L’anglais est associé à une expérience personnelle liée à l’apprentissage de l’anglais. L’image de l’anglais est liée à des souvenirs de l’école, ce qui correspond aux représentations personnelles et fantasmatiques que les témoins se font des besoins en anglais parlé en particulier. Leurs prises de position sont comme «des masques» (Weyl, 1984) ou des voiles avec lesquels ils cherchent à se protéger et/ou à se valoriser.

    Presque tous les sujets interrogés se déclarent insatisfaits de leur niveau acquis à l’école. Le sujet T4 exprime un mécontentement vis-à-vis de l’enseignement de l’anglais à l’école aussi bien sur le volume horaire attribué, que sur l’organisation propre du cours. Il s’agit donc d’un obstacle au sein de l’école, favorisé par le peu d’intérêt à l’expression orale qui, selon le témoin T4, est la seule à permettre un apprentissage rigoureux.

    Le sujet T7 s’est montré révolté suite à sa moindre compétence en anglais et qualifie sa situation de «blocage». L’école n’aurait pas ciblé ses objectifs essentiels, dont le principal est de permettre à l’élève de mieux se débrouiller plus tard: « on nous obligeait à suivre des cours qui avec le recul des années ne nous permettent de rien faire, on ne peut ni voyager, ni tenir une discussion avec un anglophone, et c’est un blocage encore» (T7) tout en reconnaissant sa part de responsabilité dans sa mauvaise maîtrise de l’anglais.

    Ces mêmes positions sont observées dans la recherche de Béatrice Weyl (1984) concernant le statut de l’anglais dans l’imaginaire des scientifiques. Ainsi, un physicien universitaire déclare d’abord que l’anglais «livresque» qu’il a appris à l’école ne lui a servi à rien, pour revenir ensuite sur ses dires pour admettre que ses acquis scolaires ont eu une fonction «facilitatrice».

    Un autre point évoqué par les témoins est l’enseignement de l’anglais parlé. Les Français considèrent leur accent francisé en majorité comme une tare générée par une école qui n’investit pas suffisamment dans l’apprentissage de la langue telle que réellement parlée. Le témoin T1 souligne l’importance de l’expression orale utilisant un vocabulaire «de tous les jours» et «des expressions populaires» qui ne sont pas acquises à l’école.

       4.3. L’anglais, contrainte ou opportunite

    Bilinguisme force, de passion ou de necessite

    En France, l’anglais est une langue obligatoire dans le cursus scolaire. L’apprentissage de cette langue est une obligation éducative. L’anglais est aussi une obligation pour plusieurs salariés français. Les sujets interrogés pensent qu’ils ont besoin d’apprendre l’anglais parce que « c’est quelque chose qui est devenue nécessaire » (T4). Leur apprentissage reste un plaisir mêlant curiosité et passion pour les voyages à l’étranger: «depuis que je suis toute petite j’ai envie de voyager, donc pour moi c’était normal d’aller à la mini-school et d’apprendre l’anglais» (T2).

    En même temps, l’usage de l’anglais est une obligation du fait de la présence de firmes étrangères sur le sol français mais également dans d’autres domaines: «comme il y a des sociétés américaines en France donc on sent qu’on est obligé d’être bilingue et donc on essaye d’être dans les talons, c’est nécessaire, on est obligé de parler l’anglais, on est obligé de savoir lire, répondre (⋯) les Américains, ils écrivent en anglais, tu es obligée, d’écrire en anglais de parler en anglais, de tout faire en anglais » (T8).

    L’exécution d’une tâche quotidienne pour les témoins implique le traitement, la manipulation, la composition, la rédaction de documents techniques, informatiques, de rapports, de projets, de notes, de lettres ou d’Email en anglais. Dans une banque, les informaticiens ont souvent ce genre de pratiques: « Je travaille avec beaucoup d’étrangers, avec des outils informatiques (les logiciels, tel que Microsoft Office) et Internet et dans le domaine bancaire, tout est en anglais ! » (T10). Claude Truchot dans un récent article trouve que l’usage de l’anglais dans les entreprises (donnant exemple de la General Electric Medical Systems) est poussé à son terme pour que toute la communication interne soit en anglais (2013 : 83). Il est acceptable que l’anglais soit la langue d’échange dans les entreprises mais dans le respect du Code du travail sur les pratiques linguistiques qui impose l’usage du français. Plusieurs affaires sur les pratiques linguistiques des entreprises ont été portées devant les tribunaux comme le cas de General Electric Medical Systems en 2005 et 2006, les entreprises Europe Assistance en 2007, Nextiraone en 2008, Air France en 2008, 2010 et 2012, Danone en 2012 (Truchot, op.cit : 80)

    Avantage ou handicap

    Pour le témoin T1 qui parle plusieurs langues, l’anglais est certes un avantage qu’il met sur le même point d’égalité que les autres langues. L’anglais lui permet de: «lire directement le texte en anglais (⋯) aussi aller au cinéma voir les films en version originale» (T1). Ce même témoin nous a confié qu’il a des confrères qui maîtrisent mal ou pas du tout l’anglais, ce qui constitue pour eux un vrai handicap : « ils y a des gens qui sont physiciens français ou biologistes qui sont archi nuls en anglais (⋯) bien sûr c’est un handicap pour eux et c’est pas c’est pas extrêmement difficile d’apprendre les bases de l’anglais, c’est pas la mer à boire » (T1).

    L’usage fréquent de l’anglais au travail, tant à l’écrit qu’à l’oral, embarrasse visiblement le témoin T7 qui est immergé dans un environnement anglophone. Du fait de ses performances linguistiques modestes, sa situation est décrite comme «un blocage». Le témoin nous fait part de sa détresse : «c’est un blocage, (⋯) moi je travaille dans une société américaine et l’anglais est constamment présent quant à l’écrit ou en à l’oral, donc si j’ai pas une bonne maîtrise, et à ce cas-là, je ne pourrai pas, c’est un blocage» (T7).

    Insecurite linguistique

    Les sujets français usagers de l’anglais, nous ont dressé un portrait de leurs attitudes qui sont plutôt indifférentes, voire favorables à la pénétration de l’anglais dans leur vocabulaire. Le seul sentiment d’insécurité linguistique qui s’est manifesté sous forme de dérangement, de gêne et de perplexité est devant la seule difficulté des sujets de « prononcer correctement ». Ce point est directement lié au degré de leur familiarité avec l’anglais, à leur capacité et à leur connaissance, orales et écrites, dans cette langue. L’accent français gênant pour le sujet T9 influence son affect envers la langue anglaise : « moi je parle l’anglais mais je parle français, j’ai un accent français affreux quand j’essaye de parler anglais, je n’aime pas parler en anglais (⋯) en fait ça aurait été différent si j’ai grandi en Angleterre par exemple » (T9).

    Sentiment d’exclusion et d’inferiorite

    Bien que ce témoin apprécie l’anglais, son incompétence linguistique conduit à lui donner un sentiment d’exclusion, de dévalorisation, l’interlocuteur n’est pas censé faire l’effort de lui parler en français, c’est au témoin d’utiliser l’anglais au risque d’être rejetée : « quand tu parles avec quelqu’un et si il se met à parler en anglais il préfère ne pas parler avec moi, il se dit au lieu de parler avec elle je vais chercher quelqu’un d’autre qui va me comprendre rapidement et ben voilà je ne vais pas perdre mon temps avec elle et moi je ne sais pas moi je me sens rejetée » (T8). Elle poursuit son discours marquant son sentiment d’infériorité : «quand je les entends parler derrière moi j’ai mal au cœur, j’aimerai bien parler comme eux, en plus de plus un truc de mieux que moi, un niveau plus élevé».

       4.4. Anglais et pouvoir

    ≪ Le mot devore, et rien ne resiste a sa dent ≫

    Nous choisissons cette citation de Victor Hugo pour mettre en exergue le rôle primordial que peut revêtir la langue anglaise dans le processus de domination intellectuelle et culturelle. Pour tous les sujets interrogés, l’anglais est un facteur de promotion. La position de langue valorisante au plan professionnel, offrant plus d’opportunités de promotion et de progression de carrière que les personnes qui ne maîtrisent pas l’anglais, et serait même une condition indispensable pour «décrocher un job convenable» car «si on est pas bilingue et ben ils nous prennent pas, et ils ne vont pas négocier par exemple question salaire, c’est le pouvoir de l’anglais et pour moi, c’est un blocage» (T7).

    L’anglais est jugé encore plus indispensable pour le scientifique. Un professeur en médecine qui y voit pour ses étudiants la possibilité pour réussir en tant que médecin: «je conseille à tous les jeunes médecins soucieux de progresser d’apprendre à lire et à écrire en anglais (⋯) c’est un passage obligatoire pour réussir dans la vie enfin dans l’état actuel des choses » (T6). L’image de l’anglais en tant que langue indispensable et nécessaire, vise à valoriser cette langue, notamment dans les domaines scientifiques.

    Le francais adversaire de l’anglais ?

    Chez tous nos témoins, le français ne semble pas bénéficier de l’avantage dont jouit l’anglais. Du point de vue du développement et d’ouverture au monde, l’anglais bénéficie d’une meilleure image que le français. Toutefois, le français conserve l’avantage dans sa liaison à la culture.

    La suprématie de l’anglais sur le français est pour le témoin (T2) un fait indiscutable. La supériorité du français telle que perçue par certains Français ne serait qu’une illusion, loin de la réalité, et ne serait que le reflet de leur prétention : «les Français enfin certains ont l’impression que, ils ont la prétention de penser que le français pourrait être une langue concurrente de l’anglais, mais au niveau des langues et des communications internationales, non pour moi il n’y a pas de concurrence entre le français et l’anglai, c’est l’anglais point » (T2).

    La notion de langue, laisse place à deux concepts différents, du moins en apparence, celui de culture et celui de patrie. Le conflit ne concerne pas la langue, mais serait en relation avec des différences culturelles et des divergences politiques : « il n’y a pas de concurrence entre le français et l’anglais, juste une concurrence politique entre les hommes et les nations, pas entre les langues proprement dites (⋯) mais cette concurrence est tout simplement culturelle, pas au niveau des langues elles-mêmes» (T10).

    Tout le monde connaît le poids des États-Unis aussi bien dans le domaine économique, politique, que dans le domaine culturel. Ce sujet a associé l’anglais au pouvoir américain sans que cela ne soit évoqué antérieurement, la situation est perçue comme une guerre sur le terrain de la culture : « c’est une guerre culturelle entre la France et les États-Unis» (T1).

    Pour le linguiste Américain d’origine indienne Braj, B. Kachru (1986 : 144) ce qui se passe réellement c’est que la langue et le pouvoir vont ensemble. L’anglais américain est accepté à cause du pouvoir et la supériorité que l'Amérique a acquis dans les domaines de la science, de la technologie, du commerce, des affaires militaires et de la politique.

       4.5. Les fonctions de l’anglais

    Le rôle de l’anglais comme attribué par les témoins dépend de leurs expériences personnelles ainsi que de leur conscience de la situation «globale» de l’anglais comme langue véhiculaire. La répartition des fonctions de l’anglais selon les secteurs pourrait se faire comme suit: langue du tourisme, langue du commerce, langue des sciences. Ce découpage nous a paru insuffisant car deux secteurs peuvent avoir une fonction commune.

    L’anglais assume un ensemble de fonctions «transversales» ou selon le terme proposé par Claude Truchot « transglossiques » car l’anglais occupe presque partout un rôle dominant. Pour les sujets, l’anglais a bien un rôle transversal, huit fonctions principales et secondaires sont attribuées à l’anglais : langue d’échange, langue de publication, langue de communication, langue outil ou de langue de culture, langue auxiliaire, ainsi qu’une fonction ludique, intellectuelle et enfin une fonction connotative.

    L’anglais s’inscrit comme langue d’échange pour le sujet T4 « la langue du commerce et du travail », ce témoin ayant des réunions de travail avec des clients anglophones qu’ils soient Américains, Anglais ou Asiatiques. Les enquêtés nous ont fait part de leur usage quotidien de l’anglais.

    L’apprentissage de n’importe quelle langue étrangère ou seconde, constitue pour les apprenants une activité intellectuelle qui demande de l’effort de leur part, parce qu’apprendre une langue est aussi apprendre tout un patrimoine qui est derrière cette langue. Cette vision est partagée par tous les témoins qui ont tous commencé l’entretien par définir les fonctions intellectuelles et ludiques de l’anglais. L’apprentissage de l’anglais à l’école était à la fois un jeu culturel, une découverte de la culture anglo-saxonne, et un effort intellectuel pour acquérir ces connaissances.

    Selon les témoins, la production scientifique des Français s’appuie sur la publication en langue anglaise. Les États-Unis, la Grande-Bretagne sont les deux pays où sont situées les principales maisons d’édition scientifique en langue anglaise. L’anglais tient le rôle de langue de publication scientifique. Le témoin T1 illustre ce point lorsqu’il dit : «quand tu veux le publier [l’article] et bien ça sera dans un journal le plus diffusé que possible, quels sont les journaux actuels les plus importants en physique se sont les journaux américains si tu veux avoir une diffusion la plus large possible, c’est dans les journaux américains, que faut-il faire? il faut écrire en anglais » (T1). La réalité matérielle, selon les termes de Florian Coulmas, oblige le témoin T1 à choisir l’anglais pour satisfaire ses besoins scientifiques, une relation est nouée entre la langue anglaise et les moyens financiers disponibles aux américains, c’est bien là la notion de «bien de consommation» introduite par Florian Coulmas.

    Le discours du témoin T3 décrit son manque de références dans le domaine de ses recherches sur l’alimentation: «très peu de livres sont publiés en français, très majoritairement ils sont en anglais donc j’ai pas accès aux livres, voilà» (T3).

    L’image de l’anglais comme un outil de communication se concrétise dans le discours de tous les témoins: «je sens qu’on a besoin de cette langue pour communiquer avec le reste du monde» (T3), «c’est juste un outil de communication le plus simple et le plus basique» (T1). Il est unanimement admis que l’anglais est, du fait de sa large diffusion, le principal candidat pour devenir la langue inter-peuples.

    L’anglais a aussi une fonction auxiliaire puisqu’il sert au témoin T2 à compléter sa compréhension lorsque un point n’est pas clair dans les textes en français: «je les consulte régulièrement en français mais en général la partie que je ne comprends pas, je recours à sa traduction anglaise, il y a quand même des choses qui ne sont pas claires dans le texte».

    Des sociolinguistes comme Joshua Fishman (1977) ont observé avec intérêt les nouvelles tendances de la langue anglaise à se détacher de la notion de culture, une sorte de langue neutre sans aucun «rattachement culturel ou idéologique». On trouve la représentation de l’anglais comme langue neutre, un simple code dépouillé de tout contexte culturel, affectif ou humain: «j’ai pas d’affectif pour cette langue-là, j’ai pas le plaisir à la parler, l’anglais pour moi c’est purement fonctionnel » (T3). Le témoin T11, romancière, rattache justement l’anglais à «la culture»: «une langue n’étant pas pour moi qu’un simple outil de communication mais également l’expression d’une culture et d’une littérature », elle insiste dans son discours que même si la langue est la même, ni la culture, ni la littérature, ni l’histoire ne sont les mêmes en insistant que l’anglais ne recouvre pas que «l’américain» mais appartient à toutes les cultures, c’est un passe-partout universel. Mais qu’il soit lié ou détaché du contexte culturel, l’anglais offre des avantages et des inconvénients.

    L’usage de termes et d’expressions en anglais est un choix délibéré à des fins commerciales, publicitaires bien que les mêmes expressions existent vraisemblablement en langue française pare que l’anglais a des fonctions connotatives importantes. Une grande partie des marques déposées, des noms donnés à des produits (alimentaires, produits de beauté, vêtements de qualité, etc.) ou à des magasins sont des termes anglais ou à allure anglaise : « urban, glam, boho, ou vintage ». Ces connotations font aujourd’hui partie de l’environnement langagier de tous les Français : « il y a des marques, les noms des magasins, même des vêtements, ils copient sur les Américains, ils écrivent en anglais, tout est américanisé » (T9). Barbara Cynarska-Chomicka (2011) considère que le vocabulaire français de la mode inclut des emprunts injustifiés car l’équivalent en français existe, comme pour ‘fashion’ pour dire mode, ‘les must-have’ au lieu des indispensables, ‘shopping’ pour achats, etc.

       4.6. Les stereotypes

    Le stéréotype répond avant tout à un principe d’économie car il offre une interprétation toute faite de l’objet. Par ses vertus « simplificatrices et globalisantes », le stéréotype constitue un outil primordial pour notre “lecture” du monde. Plusieurs stéréotypes se sont manifestés dans les discours individuels des sujets. Guidés dans leurs perceptions de la langue anglaise par les mêmes schémas de pensée, les enquêtés ont répété plus d’une fois les termes suivants:

    « internationale », « un moyen de contact », « indispensable », « primordiale », « moderne », « originale », « pratique », ainsi que des termes qui renvoient à sa qualité intrinsèque comme « riche », « simple », « plasticité » et « souplesse », ce qui constitue un ensemble d’opinions qui prennent la forme de faits indéniables. Cette réputation qui peut d’ailleurs jouer un rôle important dans l’attrait pour la langue anglaise. Mais il y a aussi les idées que les enquêtés partagent à propos des anglophones vus comme «froids», «lugubres», et aussi «handicapés». Ces préjugés imposent leur caractère « imprécis, voire injuste ou erroné à la pensée, et participent à la mobilisation des affects servant aux représentations » (Mannoni, 1998).

    L’anglais, langue internationale

    Le mythe de l’anglais langue internationale et universelle est fermement établi. Il nous arrive de généraliser en transformant une occurrence en phénomène universel, mais tout stéréotype reflète une part de vérité. L’image de l’anglais langue universelle est fréquemment validée par les médias. Cette vision ne fait pas l’unanimité, et Charles Durand nous fait part de son opinion de façon assez ironique : « Dans de nombreuses régions du monde, l’anglais est tout aussi bien compris que le taki-taki l’est en France » (Durand, 1999).

    Le témoin T1, qui a une expérience assez riche au niveau des recherches effectuées en langue anglaise, précise que seul l’anglais formel est international au niveau de l’écrit, car il pense qu’à l’oral il y a plusieurs registres : « il y a autant d’anglais et de registres chacun ces petites expressions. Il y a des côtés des Américains, il y a du côté des Australiens, des Irlandais, des Ecossais, des Anglais, il y a déjà beaucoup de différence dans les expressions écossaises et anglaises sans parler des différentes prononciations dans les différents pays du monde entier» (T1).

    Le cercle de l’anglais oral est encore plus large tant qu’il contient aussi des variantes locales de l’anglais dans plusieurs pays, où l’anglais est langue officielle, ou langue seconde ou simplement un moyen de communication avec tout étranger (Inde, Pakistan, Thaïlande). Les variations au niveau de la prononciation témoignent de la diffusion de la langue anglaise qui devient la propriété de tous ceux qui l’utilisent.

    Ce qui est intéressant, c’est qu’on retrouve ces mêmes images dans une autre étude effectuée quarante ans avant auprès des apprenants de l’anglais à Grenoble (cadres supérieurs et moyens), où l’anglais représente une : «langue universelle», «pratique», «indispensable», «nécessaire», «langue parlée dans le monde», «langue passe-partout», «un grand moyen de communiquer», «un moyen de communication internationale», «une seconde langue», «la langue imposée à l’étranger», «la langue européenne qui va unifier l’Europe», «la langue primordiale sur le marché commercial». C’est la langue qui répond à toutes les situations, que ce soient celles de travail, de voyage ou d’aide aux enfants en cours de scolarité(Billiez & al., 1975: 66).

    Les qualites intrinseques : facile, simple, court, riche, ≪ plasticite ≫

    L’idée que l’anglais est une langue «sans grammaire», et facile à apprendre, les notions de «simple», «facile» sont omniprésentes dans les entretiens menés. L’anglais semble plus facile et «séduit» par conséquent les Français qui s’empressent de l’apprendre. Sur cette notion de simplicité, Charles Durand ajoute que l’orthographe d’un mot anglais ne reflète souvent pas toujours sa prononciation «cela demande souvent un effort de mémorisation supplémentaire, à la lecture, n’existant pas dans d’autres langues» (Durand, 1999).

    D’autre part, la majorité des scientifiques préfèrent utiliser des termes en anglais parce qu’ils les trouvent plus simples et pratiques, ainsi, le sujet T6, qui est un professeur en médecine, a ajouté à l’argument de la facilité, celui de l’aspect pratique concernant l’usage de l’anglais dans les publications. Il a donné l’exemple de «stent» pour dire l’équivalent français «endoprothèse», et «peak flow» au lieu de «débit expiratoire de pointe». Le témoin T1, étant physicien, partage cette idée pour qui l’anglais semble toujours être plus court dans plusieurs expressions qui n’ont aucune relation avec la science, comme le mot «kitchen mate» en anglais qui n’a pas d’équivalent court en français : «ceux avec qui je partage la cuisine».

    Dans l’étude de James Walker (1998 : 458-460), qui prend en considération cinq villes françaises (Albi, Paris, Reims, Rouen et Strasbourg), une vision similaire s’est créée autour de la langue anglaise qui est globalement facile, pratique mais surtout «internationale».

    Prestige/ modernite

    Depuis la renaissance, un symbolisme a été créé autour du français, un symbolisme nourri par la littérature et les arts, celui du prestige de la France et de la langue française. Le prestige du français est un autre cliché fortement établi: «le français est parlé donc dans beaucoup de pays prestige associé au français très ancien parle dans le monde très bien tant mieux il y’a aussi un prestige culturel il y a la littérature donc il y a tout un prestige qui fait que les gens apprennent le français et aiment le français» (T2).

    La langue française a connu ses années de gloire aux 16ème et 19ème siècles. Les années de gloire pour la France et de la culture française : « il y a tout un prestige qui fait que les gens apprennent le français et aiment le français et ben très bien tant mieux » (T2).

    L'anglais s'est étendu largement à l’échelle mondiale mais le français brandit toujours son prestige des siècles passés notamment en Europe : «l’anglais au niveau affectif surtout pour les gens c’est moderne même en France on emploient l’anglais, le français là a aussi son prestige mais c’est pas de la modernité en tout cas, pour les gens» (T3).

    Les Anglais et les Americains

    Seuls les témoins (T7,T8,T9) ont mentionné l’allusion à la personnalité des Anglais et celles des Américains désignant les Anglais comme des personnes froides, sèches, non chaleureuses mais polies, tant dis que les Américains sont désignés de personnes ridicules, arrogantes, impolies, et dénuées du sens du savoir vivre: «un Américain, ils ont une façon de parler et de s’exprimer ils sont trop orgueilleux et même ils sont vaniteux, ça se sent même sur leurs accent » (T7). C’est ce que nous souligne aussi T9 : «un Américain s’impose, un Américain montre qu’il a un ranch, qu’il a des chevaux, en fait je pense à quelqu’un là, un Texan, mais un Anglais est plus doux, est plutôt discret, il veut s’adapter» (T9).

    L’accent américain évoque dans l’esprit des témoins une manifestation de l’arrogance américaine: «déjà quand tu leurs parles tu sens qu’ils sont plutôt arrogants on dirait qu’ils portent l’image de l’Amérique et ils se sentent bien au-dessus des autres alors que on a souvent affaire a des gens sans aucune culture et sans savoir vivre» (T4). Pour le témoin T7 les Américains se montrent supérieurs : «parce que l’Amérique c’est la première force mondiale, eux ils le savent, ils sont Américains, alors ils se sentent plus forts» (T7).

    Ces sentiments d’antipathie envers les Américains, ou de sympathie moyenne à l’égard des Anglais, conditionnent les sentiments envers la langue elle-même. La compréhension laborieuse de l’anglais selon une prononciation américaine suscite des réactions d’antipathie à l’égard des Américains contrairement aux Anglais dont la prononciation claire suscite des appréciations positives : «même dans la manière de parler, ils parlent doucement, en fait ils sont bien élevés, franchement, l’anglais je trouve que c’est une langue très courtoise à leurs manières très polies de parler tu vois, un Américain c’est ouiiin » (T9). Pour le témoin T9, l’équation est simple:

    « les Anglais sont bien élevés = la langue est très courtoise ».

    5. Conclusion

    Les cadres français voient en la langue anglaise un moyen de communication, renvoyant essentiellement à l’image des deux principaux pays anglophones que sont les États-Unis en premier lieu et la Grande- Bretagne dans une seconde mesure.

    Les cadres supérieurs sont en situation de sécurité linguistique et rejettent en majorité la notion de langue anglaise langue menaçante pour leur langue.

    Paradoxalement, plus les compétences linguistiques sont meilleures, plus l’hostilité vis-à-vis des anglicismes croît, de même que l’enthousiasme à l’usage de cette langue semble inversement proportionnel à l’âge, les plus jeunes étant les plus ouverts.

    Majoritairement les témoins perçoivent l’usage de l’anglais comme une obligation, car c’est un facteur de promotion professionnelle, plus valorisant dans les domaines scientifiques, mais ne voient pas du tout cette langue comme un atout véhiculant une quelconque supériorité.

    La présence de l’anglais est subie avec «indifférence», mais la considèrent comme une nécessité, un besoin et un vecteur de progression et de réussite.

    L’étude comparée des représentations des deux périodes de temps, aujourd’hui et trente ans avant (Billiez, 1975), a montré l’ancrage des images de l’anglais. Une forme de réalité s’est construite autour de l’anglais et s’est bien ancrée dans la conscience collective des Français. L’anglais est représenté comme une langue «universelle», «internationale», «obligatoire», «imposée», «importante», «nécessaire», «utile», «indispensable», une langue des sciences, des affaires, de culture et de communication.

    Nous nous sommes fixée comme but fondamental dans ce travail d’explorer les images de l'anglais chez les usagers intégrés dans le monde du travail. Nous somme sortie du cadre usuel des recherches qui se focalisent sur les élèves ou les étudiants, généralement pour comprendre leurs motivations d’apprentissage de l'anglais. Ce premier regard, hors des contextes habituellement étudiés, donne des pistes pour la recherche avec l’objectif de mettre en place un cadre pour établir une meilleure politique linguistique éducative, ainsi que pour une meilleure gestion des langues à l’école et dans les milieux de travail.

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  • [ Fig 1 ]  Le mandala representant les six principaux themes de l’analyse qualitative
    Le mandala representant les six principaux themes de l’analyse qualitative
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