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La gestion des ressources humaines dans une œuvre d'Emile Zola: Au Bonheur des Dames* 에밀 졸라의 작품 『부인들의 행복백화점』에 나타난 인적자원 관리
  • 비영리 CC BY-NC
ABSTRACT
La gestion des ressources humaines dans une œuvre d'Emile Zola: Au Bonheur des Dames*

에밀 졸라는 그의 저서 『부인들의 행복백화점』(Au Bonheur des Dames)에서 19세기 프랑스 백화점 시스템에 대하여 기술하고 있다. 두명의 등장인물을 통하여 오늘날에도 여전히 통용되는 조직이론에 근거하는 경영기술을 밝히고 있는 것이다.

옥타브 무레(Octave Mouret)는 카리스마 있는 리더로서 자신의 백화 점을 더욱 발전시키기 위하여 자기중심적이고 독재적인 권위를 행사한다. 그러면서도 그는 자기 직업의 명실상부한 전문가로서 직원들에게 존경을 받기도 한다. 그래서 비록 드니즈(Denise)가 무레(Mouret)의 경영방침을 변경하여 생산성을 높이고 복지를 개선하여도 무레(Mouret)의 리더십은 흔들리지 않는다.

회사 내에서 드니즈(Denise)의 지위는 쉽게 결정되지 않았다. 먼저 그녀는 자신의 적응력과 자기희생에 당혹해 하는, 질투심 많은 다른 점원들과 부딪칠 수밖에 없었다. 이 점에 있어서 드니즈(Denise)는 그룹 내에서 모든 미움에 대한 희생양 역할을 한다. 하지만 의지와 용기로서 그리고 직속상관의 지지 덕분에 드니즈(Denise)는 인정받게 되고 리더가 된다. 이렇게 하여 그녀는 기업의 인간화 즉 노동조건의 개선이라는 자신의 현대화 개념을 실현시킬 수가 있게 된다.

따라서 무레(Mouret)와 드니즈(Denise)는 직원들에게 동기를 부여하고 의욕을 고취시킬 줄 알기에 견인차와도 같은 진정한 지도자들인 것이다.

사실 무레(Mouret)는 노동조건이 근로자들의 생산성에 얼마나 영향을 미치는지를 잘 알고 있었다. 그는 일련의 조치들을 단행하여 직원들이 최선을 다하도록 유도하고 직원들의 의욕을 고취시키며 기업 이윤에 대하여 관심을 가지도록 만든다.

끝으로 직원들의 소속감과 일체감이 강화되어진 것도 드니즈(Denise)의 인간적인 자질 덕분이라고 할 수 있다. 그녀야말로 근로조건의 개선에 앞장선 선구자이었던 것이다.

이 작품의 독창적인 점은 작품의 현대성과 미래지향적, 교훈적이라는 성격에 근거를 둔다. 왜냐하면 이 작품은 백화점 경영전략을 잘 파악할 수 있는 소재를 다루고 있기 때문이다.

KEYWORD
gestion , production , salaire , travail , leader , autorite , organisation , groupe
  • I. Introduction

    Au Bonheur des Dames, roman d’Emile Zola publié en 1883, traite de la naissance des grands magasins dans le Paris du XIXe siècle.

    Octave Mouret, ancien vendeur devenu propriétaire du Bonheur des Dames par son mariage avec Mme Hédouin, la défunte propriétaire, va transformer la boutique familiale en grand magasin de nouveautés. Pour assouvir sa folie des grandeurs, il use de ses employés sans la moindre considération et se sert des femmes qu’il rencontre pour agrandir toujours plus le magasin. Il tombe finalement sous le charme d’une de ses vendeuses, la modeste et vertueuse Denise. Elle lui montrera qu’améliorer les conditions de travail des employés ne met pas en danger la rentabilité du magasin, bien au contraire, et finira par l’épouser.

    Ce roman n’est rien moins qu’une étude portant sur les grands magasins dans le Paris des années 1880. Émile Zola se passionne pour cet univers nouveau et pour son lien avec le monde de la finance; il s’intéresse aussi à l’essor de la publicité, au développement architectural de ces grandes entreprises et surtout à la gestion des ressources humaines dont la maîtrise progresse tout au long du roman jusqu’à ressembler de très près aux procédés actuels. C’est pourquoi il nous semble éclairant d’analyser les techniques de management utilisées dans cette œuvre.

    Nous allons nous intéresser dans un premier temps au personnage d’Octave Mouret et voir notamment comment il fait preuve d’autorité. Nous étudierons ensuite le personnage de Denise dont l’influence grandissante a un impact sur le bon fonctionnement de l’entreprise. Enfin, nous examinerons en détail les différents procédés utilisés pour motiver les employés du Bonheur des Dames.

    Ⅱ. Etude manageriale

       1. Mouret

    1.1. Un leader autocrate

    Selon la définition apportée aux styles de management par Blake et Mouton1), Mouret appartient aux managers autocrates; le schéma suivant est pertinent car il nous permet non seulement de situer Mouret parmi les cinq styles de management, mais aussi de voir instantanément que si son rapport à la production est élevé, celui à l’humain est faible.

    Il porte en effet un grand intérêt aux impératifs de production et n’accorde que très peu d’importance à la personne de ses employés. Ainsi, il n’hésite pas à les faire se fatiguer à courir dans tout le magasin si cela peut permettre d’améliorer quelque peu les ventes.

    Cependant, au fil du roman, Denise va lui insuffler des idées d’amélioration des conditions de travail des employés, en insistant sur le fait que cela pourrait contribuer à l’augmentation de leur productivité. Ainsi, Mouret va peu à peu porter plus d’attention aux problèmes humains et va donc évoluer vers un management de type intégrateur.

    1.2. Un leader narcissique et seducteur

    Les études de Jean-Benjamin Stora3) , portant notamment sur la relation à soi et à autrui qu’entretiennent les leaders, lui ont permis de dégager quatre styles de leadership: les leaders narcissiques, séducteurs, possessifs et bienveillants. Mouret semble à la fois posséder des traits du leader narcissique et du leader séducteur. Le leader narcissique est avant tout orienté vers lui-même,

    Mouret, dans sa folie des grandeurs, cherche avant tout à s’imposer et à se prouver à lui-même que, partant de simple vendeur, il a pu devenir quelqu’un d’important et de puissant. Il se sert des employés selon ses intérêts, sans considération aucune, comme on le voit lors des renvois massifs de l’été:

    Il considère de surcroît que la santé de ses employés appartient au Bonheur des Dames, comme en témoigne sa fureur lorsqu’il découvre que certaines vendeuses travaillent la nuit:

    Il sait tout, s’occupe de tout et n’hésite d’ailleurs pas à réaffirmer son autorité toute-puissante si elle lui semble un tant soit peu menacée

    Mais la personnalité de Mouret relève aussi du leader séducteur. On sent chez lui un important besoin d’aimer et d’être aimé. Il exerce une sorte de fascination sur ses employés qu’il séduit par la parole:

    Mouret prend aussi soin de ses employés:

    Son besoin d’être aimé d’eux le pousse à déléguer la fonction de gendarme à Bourdoncle, qui assume de ce fait toutes les tâches ingrates de son patron. Mouret se positionne en patron bienveillant, ne voulant que le bonheur de ses employés, tandis que Bourdoncle joue le rôle du méchant et exécute ses basses besognes.

    Mouret n’hésite donc pas à créer une mise en scène dans laquelle il se donne le beau rôle afin de renforcer l’image de patron débonnaire qu’il veut renvoyer à ses employés.

    1.3. Un leader specialiste

    Mouret tire aussi son autorité et son pouvoir sur ses employés de ses grandes compétences, reconnues de tous. Il est considéré comme un spécialiste dans plusieurs domaines. Ainsi, tous admettent qu’il est passé maître dans l’aménagement intérieur des magasins:

    Sa grande connaissance des techniques commerciales est d’autant plus appréciée et valorisée des employés que Mouret n’hésite pas à aller lui-même sur le terrain. Chaque jour, il réalise deux tournées à travers tous les rayons du Bonheur des Dames, contrôlant que tout se passe bien, donnant des conseils et réalisant des changements:

    Mais son domaine de prédilection, pour lequel il est réputé imbattable dans tout Paris et sur lequel il base toutes ses stratégies de vente et de déploiement du Bonheur des Dames, c’est la connaissance des femmes. Il aime les femmes, il les connaît et il sait tout ce qu’elles sont prêtes à faire pour satisfaire leur coquetterie. Il érige son magasin comme un temple à la gloire de la femme, consacré à son plaisir et à sa beauté. En expert, il analyse leurs réactions, imagine des stratégies pour les séduire, de nouveaux mécanismes qui les pousseront à acheter toujours plus et sans même en ressentir le besoin. Il joue sur des ressorts psychologiques finement étudiés, comme on le voit quand il introduit le système des rendus:

    Sur ses théories élaborées grâce à son expérience des femmes, il construit ses politiques de vente. Ainsi, son système des prix, qu’il baisse progressivement si les produits ne se vendent pas, jusqu’à vendre à perte si besoin, résulte en fait d’une étude précise des comportements féminins: Mouret tire en effet parti du fait

    Cette capacité d’analyse et d’adapatation fait de Mouret non seulement un fin psychologue, mais aussi un parfait. stratège, clé de sa réussite.

    1.4. Un leader charismatique

    Ainsi, de par son autorité naturelle et l’admiration intense que lui vouent ses employés, Mouret semble être un leader charismatique.

    Cinq caractéristiques clés des leaders charismatiques ont été dégagées par Conger et Kanungo15) et on peut les appliquer à Mouret:

    La vision: le leader a un objectif idéal, porteur d’améliorations et qu’il sait exposer clairement. Mouret a une vision précise de ce qu’il veut faire du Bonheur des Dames: le transformer pour qu’il devienne le plus grand et le plus novateur des magasins de nouveautés de la capitale.

    Il communique assez clairement cet objectif à ses employés, qui certes se montrent craintifs au premier abord mais finissent par le suivre, convaincus par son expertise.

    La prise personnelle de risque: le leader est prêt à prendre des risques importants pour réaliser son objectif. C’est clairement de circonstance puisque Mouret, qui possède le magasin, décide de risquer son capital à chaque nouvelle saison afin de toujours plus l’accroître.

    C’est un investissement hasardeux et risqué mais qu’il juge nécessaire pour réaliser son rêve de gloire.

    La sensitivité à l’environnement: le leader sait reconaître le carcan qui l’entoure. Mouret est parfaitement conscient de la concurrence parisienne, des débouchés et de la position de son entreprise.

    Il évalue de façon précise la portée de chacune de ses innovations et des agrandissements successifs du magasin. Rien n’est laissé au hasard, il agit en expert.

    La sensitivité aux besoins des subordonnés: le leader comprend autrui et peut répondre à ses besoins. C’est sans doute ce point qui laisse le plus à désirer chez Mouret. En effet, il ne fait en réalité que peu de cas d’autrui, même s’il feint en apparence de s’intéresser au sort de ses employés.

    Cependant, l’influence de Denise va lui permettre de développer cet aspect de sa personnalité et de gagner en intérêt pour ses employés, ce qui sera bénéfique pour son style de management.

    Le comportement non conformiste: le leader a un comportement insolite et contraire aux normes établies. Mouret est un visionnaire, novateur et porteur d’innovations qui semblent folles et beaucoup trop risquées à ses contemporains.

    Il a une audace démesurée, ne suit aucune règle et repousse sans cesse les limites.

    On peu ainsi manifestement considérer Mouret comme un leader de type charismatique.

    Face à ce personnage au caractère très marqué se dresse Denise, calme, discrète et qui pourtant va au fur et à mesure du roman s’imposer jusqu’à exercer une influence décisive sur Mouret et sur tout le Bonheur des Dames.

       2. Denise

    A la mort de ses parents, Denise, jeune Normande de 20 ans, débarque à Paris pour y trouver un emploi et gagner suffisamment d’argent pour nourrir ses deux frères. Ne pouvant travailler dans la petite boutique familiale de son oncle, elle est embauchée comme vendeuse au rayon confection du Bonheur des Dames. D’apparence pauvre et chétive, Denise est d’emblée la proie des moqueries de tous les employés. En particulier, les vendeuses des confections, sous la houlette de Clara, vendeuse perfide et cruelle, lui mènent la vie dure.

    2.1. Du bouc-emissaire...

    Dans son ouvrage Images de l’organisation, Gareth Morgan nous présente, entre autres, l’entreprise comme

    Il nous montre ainsi que l’organisation peut être comprise comme

    Les membres du Tavistock Institute de Londres ont longuement repris cette idée et l’ont interprété de différentes façons. Parmi ces propositions, on peut noter deux modèles correspondant à la position de Denise à son arrivée au Bonheur des Dames, celui de Wilfred Bion et celui de Elliott Jaques.

    Les études de Wilfred Bion sur le comportement des groupes montrent qu’en cas d’angoisse, ceux-ci régressent jusqu’à des comportements infantiles qu’ils espèrent les protègeront contre les aspects néfastes du monde réel mais qui leur font aussi perdre de vue la tâche à accomplir. Différents types de fonctionnement entrent alors en jeux, nous ne retiendrons que celui de

    Dans le groupe de vendeuses du rayon confection, le fonctionnement qui se met en place est celui-ci. Denise, la nouvelle venue, d’aspect chétif et frêle, mal habillée, débarquant de sa province et pourtant soutenue par Mouret, est considérée par les vendeuses comme l’ennemi sur lequel projeter leurs peurs inconscientes et leur angoisse dues à leurs conditions de travail précaires.

    Quant à Elliott Jaques, il nous montre que dans une organisation, certaines personnes jouent le rôle de bouc-émissaire sur lequel les autres individus vont projeter leurs mauvaises pulsions. Un accord inconscient entre les membres du groupe se met en place pour en faire la cause de tous les ennuis.

    Cela s’applique totalement à Denise. Son allure de province, qui lui donne un air peu soigné, la démarque des autres vendeuses. Ces dernières la rabaissent immédiatement et rient à ses dépends. Le groupe est solidaire dans son rejet de Denise; la preuve en est la virée à la campagne organisée par Mme Aurélie et dont Denise est délibérément exclue.

    Le triangle dramatique de Stephen Karpman27), qui reprend les relations dans une situation de conflit nous semble pertinent ici car il propose aussi une explication de la situation de Denise à son arrivée au Bonheur des Dames. Il présente tout conflit comme une relation tripartite mettant en jeu une victime, un persécuteur et un sauveur et de ce fait nous permet de visualiser la dynamique qui s’est installée au sein du rayon où travaille Denise.

    Ici, Denise est dans la position de victime. Le persécuteur est incarné par le groupe des vendeuses, et notamment par les deux personnalités qui en ressortent, Clara et Mme Aurélie. Le sauveur est Pauline, la lingère, qui défend d’emblée Denise en se souvenant de ce qu’on lui avait fait subir durant sa difficile période d’intégration au magasin.

    En fournissant ainsi un appui à Denise, en se présentant comme une amie, une aide qui lui permet de se dégager du cercle infernal dans lequel elle se trouve, elle incarne la position de sauveur mentionnée par Karpman. Sans son intervention, les rôles de victime et de persécuteur se seraient maintenus en l’état et la situation de conflit aurait perduré. Grâce à Pauline, Denise sort peu à peu de son rôle de victime pour intégrer complètement le groupe des vendeuses. En effet, pour débloquer la situation, seules deux possibilités existent: inverser les rôles ou introduire une nouvelle personne dans le triangle, qui prendra la place d’une autre.

    Face à cette situation ouverte de conflit, les réactions des vendeuses et de Denise sont différentes. On peut les étudier selon le schéma proposé par Thomas et Kilmann qui classe les différentes intentions de résolution d’un conflit.

    En plaçant les comportements des acteurs du rayon des confections sur le schéma de Thomas et Kilmann, on a ainsi une vue complète de la situation qui nous aide à saisir la logique de groupe en action au sein des vendeuses.

    Denise adopte un comportement coopératif et non-assertif, puisqu’elle se plie aux volontés des vendeuses, ne rechigne pas à la tâche et ne fait montre d’aucun signe de résistance ou de rébellion.

    Face au conflit, Denise choisit donc la carte de l’accomodation plutôt que l‘évitement ou l’affrontement.

    Au contraire, les vendeuses, et en particulier leur meneuse Clara, ont une attitude non-coopérative et assertive. Elles refusent toute aide à Denise, ne lui adressent presque pas la parole si ce n’est pour la tourner en ridicule et s’affirment clairement en tant que groupe dont Denise est exclue.

    Cependant, au fur et à mesure, grâce à la bonne volonté de Denise, la situation s’améliore et les comportements des protagonistes deviennent à la fois assertifs et coopératifs et se muent donc en collaboration, comportement idéal pour sortir de la crise.

    Ce changement d’attitude permet de résoudre le conflit et de supprimer la majeure partie des tensions existantes au sein du rayon des confections.

    Il faut pourtant noter une différence entre intentions affichées et réelles. Ainsi, pour le cas de Clara, on note qu'une fois la situation conflictuelle résolue, si elle affiche un comportement de collaboration avec Denise, ses intentions réelles restent tout de même l’affrontement. Elle ne manquera d’ailleurs aucune occasion de relancer le conflit avec cette dernière et tentera plusieurs fois de rallier à sa cause d’autres vendeuses. Pour les autres vendeuses et pour Denise, intentions réelles et affichées semblent concorder.

    Cependant, petit à petit, par son travail acharné et son refus de leur tenir tête ou de rentrer dans leur jeu, et grâce au soutien de Pauline puis de Mouret, Denise va peu à peu gagner la confiance et l’adhésion de chacune, jusqu’à s’imposer comme leader naturel au sein du Bonheur des Dames.

    2.2. ...au leader

    Contre toute attente, Denise est nommée seconde du rayon des confections. Mouret invoque ses capacités et son sérieux. Cependant, au Bonheur des Dames la promotion à l’ancienneté dominant, des rumeurs courent qu’elle n’a obtenu sa place qu’en raison de l’amitié que le patron lui porte.

    Il n’est donc pas aisé pour Denise de s’imposer et de se faire respecter au sein d’une équipe qui a dans l’ensemble toujours eu une attitude négative à son égard. Elle va pourtant y parvenir en s’appuyant pour cela sur plusieurs éléments.

    L’appui de Mme Aurélie lui est précieux puisque le fait que la première du rayon considère sa nomination comme naturelle assoit la légitimité de Denise.

    De plus, la position même de seconde lui donne une autorité naturelle. Elle manage parfaitement son changement de position et n’a pas de mal à passer du statut de collègue à celui de chef auprès des vendeuses. La distance qu’elle a toujours gardée face aux autres vendeuses, intentionnellement mais aussi de façon forcée de par l’animosité qu’elles lui témoignent depuis son arrivée, lui facilite la tâche. Cette autorité de fait est d’autant plus renforcée par le caractère de Denise. En effet, sa grande compétence, sa gentillesse et sa douceur rallient à sa cause les plus récalcitrants. Denise semble posséder une autorité innée qui la dispense même d’hausser le ton pour se faire obéir.

    Sa nomination au poste de première du rayon de costumes pour enfants, spécialement créé pour elle, va achever sa conquête d’autorité. Celle que tout le monde riait à ses débuts au Bonheur des Dames est alors respectée et appréciée de tous. Elle va ensuite user de son influence sur Mouret pour améliorer les conditions de travail des employés, ce qui ne fera qu’étendre encore son cercle d’adeptes.

    Cependant, on peut noter que le leadership de Denise est très différent de celui de Mouret. Si l’on reprend les cinq styles de management décrits par Blake et Mouton, on peut définir le style de Denise comme un management intégrateur.

    Le schéma ci-dessous nous permet de visualiser clairement où se situe Denise dans son rôle de leader; on perçoit immédiatement les points communs et les différences entre elle et Mouret; ainsi, si le degré d’intérêt porté à la production est d’égale intensité, celui concernant les problèmes humains est plus élevé chez Denise.

    En effet, elle porte un grand intérêt aux impératifs de la production, est inflexible sur l’activité de ses vendeuses et suit de près leurs résultats. Nous le voyons par exemple quand elle reprend Clara:

    Pour autant, elle ne déconsidère en rien les questions humaines et le respect dû aux travailleurs; elle ne ménage en effet pas sa peine pour améliorer leurs conditions de travail.

    C’est grâce à cette volonté affichée que Denise réussit a stimuler véritablement les employés. Ils lui font confiance et son leadership s’en trouve ainsi pleinement renforcé. Cela valide sa position dominante.

    Selon le classement de Jean-Benjamin Stora, Denise est un leader bienveillant. Elle respecte profondément la personnalité des employés. Son pouvoir ne les menace pas: elle peut être crainte, mais jamais redoutée. Stora précise que ce type de leader,

    Cette appréciation semble bien correspondre à Denise. En effet, si elle est inflexible sur la qualité du travail des employés, elle reste toujours impartiale et cherche constamment à améliorer leur condition.

    1)Robert Blake, Jane Mouton, Les deux dimensions du management, Les Édititions d’organisation, Paris, 1969, p.54.  2)Émile Zola, Au Bonheur des Dames, Le livre de poche, Paris, 1998, p.303.  3)Jean-Benjamin Stora, “Identité psychique et styles de leadership: approche psychanalytique“, Cahier de recherche du Centre HEC-ISA, n°297, 1987, p.24.  4)Ibid., p.26.  5)Émile Zola, op. cit., p.213.  6)Ibid., p.228.  7)Ibid., p.242.  8)Ibid., p.87.  9)Ibid., p.227.  10)Ibid., pp.92-93  11)Ibid., p.97.  12)Ibid., p.299.  13)Ibid., p.300.  14)Ibid., p.301.  15)Jay A. Conger, Rabindra N. Kanungo, Charismatic leadership: the elusive factor in organizational effectiveness, Jossey-Bass, San Francisco, 1998, pp.276-308.  16)Émile Zola, op. cit., p.87.  17)Ibid., pp.123-124.  18)Ibid., p.175.  19)Ibid., p.95.  20)Ibid., p.125.  21)Gareth Morgan, Images de l’organisation, Éditions De Boeck, Paris, 1999, p.107.  22)Ibid., p.107.  23)Wilfred R. Bion, Recherches sur les petits groupes, PUF, 2002, p.64.  24)Émile Zola, op. cit., p.179.  25)Elliott Jaques, Intervention et changement dans l’entreprise, Dunod, Paris, 1972, p.218.  26)Émile Zola, op. cit., p.196.  27)Stephen Karpman, Analyse transactionnelle, Books LLC, 2010, p.29.  28)Émile Zola, op. cit., p.144.  29)Kenneth W. Thomas, Ralph H. Kilmann, Thomas-Kilmann Conflict Mode Instrument, Xicom, Tuxedo NY, 1974, p.13.  30)Émile Zola, op. cit., p.178.  31)Ibid., p.196.  32)Ibid., p.345.  33)Ibid., p.345.  34)Ibid., p.346.  35)Ibid., p.427.  36)Ibid., p.402.  37)Jean-Benjamin Stora, op. cit., p.25.

    Ⅲ. Comment motiver les employes

       1. Techniques de motivation mises en place par Mouret

    Mouret met en place plusieurs techniques de motivation de ses employés. Nous allons étudier sur quels mécanismes elles se basent.

    De nombreuses études nous ont montré que les individus cherchent à satisfaire différents types de besoins. Nous souhaitons montrer la pyramide élaborée par Abraham Maslow 38) qui hiérarchise les cinq grands niveaux de besoins humains car de notre point de vue, il nous semble que Mouret avait déjà intégré ces paramètres dans sa gestion du personnel.

    Un besoin est source de motivation jusqu’à ce qu’il soit satisfait. Chaque personne est guidée dans son travail par le besoin ressenti comme le plus intense, ce dernier pouvant évoluer selon le moment et la situation. Une fois un besoin satisfait, c’est le niveau supérieur qui devient la source de motivation.

    Si nous appliquons cette théorie aux employés du Bonheur des Dames, nous pouvons dégager les enjeux sur lesquels s’appuient Mouret dans son management, par les différentes techniques qu’il met en œuvre pour susciter l’implication, le dévouement.

    1.1. Les besoins physiologiques et d’estime.

    L’élément premier de motivation des employés du Bonheur des Dames est leurs conditions de travail et leur salaire. Il s’agit donc de satisfaire leurs besoins physiologiques. Le magasin fournit à ses vendeurs le gîte et le couvert. Certes la qualité laisse à désirer au début du roman, mais elle n’a de cesse de s’améliorer avec les agrandissements successifs du magasin et l’augmentation des bénéfices. Mouret est totalement conscient de l’influence des conditions de travail sur la productivité de ses salariés. S’il les nourrit et les loge mieux, ce n’est que parce qu’il sait que cela les incitera à être plus productifs.

    De plus, Mouret a mis en place un système d’augmentation des salaires régulier et dépendant des performances de l’année. Chaque année, après l’inventaire, le chiffre d’affaire est comparé à celui de l’année précédente. S’ensuit la distribution des primes ainsi que l’augmentation éventuelle des salaires. Les employés savent que le système fonctionne ainsi, ils peuvent calculer à l’avance leur augmentation et les primes qu’ils vont toucher. Le fait que cela soit si prédictible les incite à fournir d’autant plus d’effort, puisqu’ils savent qu’ils seront récompensés.

    Il faut de plus ajouter que Mouret étant le patron tout puissant, il ne tient qu’à lui d’attribuer une promotion à qui bon lui semble, comme il le fera pour Denise, sans même avoir à la justifier et sans que quiconque puisse y trouver à redire.

    Enfin, il s’agit d’intéresser directement les vendeurs à la vente, en leur faisant toucher une prime en fonction du montant dépensé par les clients.

    Les employés sont ainsi clairement motivés par la nécessité de vendre et sont plus productifs dans leur emploi, ce qui est très bénéfique pour les affaires du magasin. Ils n’hésitent pas à se battre pour servir les meilleures clientes. Mouret exacerbe par ce système les passions et exploite les besoins de ses employés dans son propre intérêt.

    La conséquence directe de cet intéressement à la vente est la guerre sociale qui règne au Bonheur des Dames et, qui plus est, est encouragée par Mouret. On joue ici sur les besoins d’estime des employés, qui tentent de se faire respecter, de prouver leur propre valeur, de montrer leur réussite et d’obtenir la reconnaissance de tout un chacun. Dans tous les rayons, chaque individu ne souhaite qu’une chose: prendre la place de son supérieur. S’en suit une guerre continue, que Mouret appelle la

    Les vendeurs n’hésitent pas à se dénoncer, à se tendre des embûches, même entre collègues ou amis. Cette lutte est d’autant plus exacerbée et cruelle de par la condition précaire des employés qui peuvent être renvoyés à tout instant.

    Cette lutte des appétits touche même l’entourage proche de Mouret. En effet, à la fin du roman, son fidèle et dévoué compagnon Bourdoncle espère lui-aussi profiter de la faiblesse passagère de son patron pour prendre sa place.

    Mais Mouret, instigateur de cette guerre sociale, n’est pas dupe des intentions de Bourdoncle et le remet rapidement à sa place.

    1.2. Les besoins de securite et d’appartenance.

    La motivation par la peur est un ressort important du management de Mouret, qui joue ainsi sur les besoins de sécurité de ses employés. En effet, les vendeurs craignent constamment d’être renvoyés, et ceci d’autant plus qu’ils savent qu’à la veille de l’été, une importante partie des vendeurs est chaque année congédiée. Cette perspective les terrifie, il n’est en effet pas aisé de retrouver un emploi à cette saison et travailler est leur seul ressort pour nourrir leur famille. Ils redoublent donc de motivation et d’implication dans leur travail et se courbent devant toutes les volontés de Mouret.

    Cependant, il faut noter que dans le Paris de l’époque, les renvois massifs de l’été et la condition très précaire des employés étaient monnaie courante. L’entreprise était toute puissante et les individus n’étaient que des rouages permettant son bon fonctionnement et dont on disposait selon les besoins, sans considération aucune.

    Mais si cette situation est considérée comme normale, elle reste tout de même très pesante pour les employés qui vivent constamment dans la peur et ne peuvent savoir de quoi sera fait le lendemain.

    On note par aileurs un sentiment d’appartenance qui se développe chez les employés. Tout d’abord, ils sont fiers d’appartenir au Bonheur des Dames, le plus grand et le plus novateur des magasins de nouveautés de la capitale. Ils dénigrent d’ailleurs quelque peu les vendeurs des autres magasins, notamment du Bon marché et du Louvre. Ils assimilent la réussite du magasin à la leur, s’approprient les bénéfices engendrés par les ventes et participent pleinement à la joie de Mouret face aux recettes grandissantes. Ceci est d’autant renforcé par le cérémonial instauré par monsieur Lhomme qui transporte chaque jour à travers tout le magasin la recette en monnaie comptant pour l’apporter à Mouret. Les vendeurs voient donc quotidiennement la somme amassée et s’enthousiasment devant le fruit de leurs efforts matérialisé.

    De plus, les employés du Bonheur des Dames ainsi que des autres magasins de Paris développent un sentiment d’appartenance à leur métier. Ils revendiquent leur individualité, leur caste, créent des clubs réservés aux employés de commerce, s’offusquent devant les insinuations négatives face à leur emploi.

    On voit donc que Mouret a mis en oeuvre les théories que Maslow développera bien plus tard. En répondant aux besoins et aux attentes de ses employés, il a stimulé leur motivation afin de les rendre encore plus productifs.

       2. Ameliorations insufflees par Denise

    Le sort des employés du Bonheur des Dames est décrit par Denise comme une condition très dure, très précaire, auquel aucune personne ne peut résister. Elle s’offusque devant cette

    perpétrée par les grands magasins de la capitale qui usent des employés sans considération aucune.

    A la fin du roman, l’influence de Denise sur Mouret va permettre d’apporter de nombreuses améliorations au sort des vendeurs du magasin. Elle va supprimer les renvois massifs de l’été, faisant ainsi disparaître pour les vendeurs leur peur majeure. Elle ira même jusqu’à mettre en place un système d’assurance chômage et de retraite.

    Elle instaure de plus des congés de maternité, amélioration fondamentale au sort des vendeuses qui auparavant étaient contraintes de cacher leur grossesse sous peine d’être renvoyées immédiatement. Enfin, Denise améliore aussi leurs conditions de travail en instaurant des innovations de fonctionnement telles que les auxiliaires, ces femmes chargées de porter les articles, ce qui permet de soulager la fatigue intense des vendeuses, qui courraient auparavant à travers tout le magasin chargées des produits choisis par les clientes.

    Si l’on revient à la pyramide de Maslow, on remarque que ces améliorations insufflées par Denise permettent aux employés de remplir leurs besoins physiologiques et leurs besoins de sécurité. Frederick Herzberg regroupe ces deux types de besoins sous le nom de

    Auparavant, ces besoins n’étant pas remplis, ils provoquaient l’insatisfaction des employés. Maintenant qu’ils sont satisfaits, il n’y a pas satisfaction mais simplement absence d’insatisfaction. En effet, seuls les facteurs moteurs, c’est-à-dire les besoins d’appartenance, d’estime et de réalisation, sont source de satisfaction.

    Maintenant que les besoins d’hygiène sont remplis, il s’agit donc de satisfaire les facteurs moteurs. C’est ce que Denise va s’attacher à faire en créant tout un ensemble d’améliorations au sort des employés:

    Tout cela va permettre aux employés du Bonheur des Dames de renforcer leur sentiment d’appartenance à une organisation qui leur fournit tout ce dont ils ont besoin pour vivre et être heureux, mais va aussi les inciter à développer leurs compétences et à réussir. Ils ont ainsi la possibilité, s’ils en prennent la peine, de remplir leurs besoins d’appartenance, d’estime et de réalisation, et donc d’être satisfaits.

    38)Abraham Maslow, Devenir le meilleur de soi-même, Éditions Eyrolles, Paris, 2008, p.56.  39)Émile Zola, op. cit., p.360.  40)Ibid., p.348.  41)Ibid., p.22.  42)Ibid., p.222.  43)Ibid., p.222.  44)Ibid., p.480.  45)Ibid., pp.212-213.  46)Ibid., p.214.  47)Ibid., p.338.  48)Ibid., p.361.  49)Ibid., p.430.  50)Ibid., p.429.  51)Ibid., p.430.  52)Frederick Herzberg, Le travail et la nature de l’homme, Entreprise moderne d’édition, Paris, 1978, p.112.  53)Émile Zola, op. cit., p.431.

    Ⅳ. Conclusion

    Émile Zola, de par son étude minutieuse des grands magasins existant alors à Paris, nous présente de façon romancée dans son ouvrage Au Bonheur des Dames une monographie détaillée et fidèle du fonctionnement de ce type d’entreprises à l’époque. Au Bonheur des Dames a certes été écrit à la fin du XIXe siècle, mais son étude nous fournit d’excellents exemples de techniques et de principes de management qui s’apparentent très fortement à ceux utilisés aujourd’hui en entreprise.

    Le personnage d’Octave Mouret est l’emblème des dirigeants leaders, charismatiques et entièrement dédiés à leur entreprise. Denise nous offre à la fois une image du fonctionnement des groupes d’employés, des tensions qui peuvent exister et des manières de les résoudre, mais nous illustre aussi les difficultés liées à l’accès à la position de manager ainsi qu’un type de leadership bien éloigné de celui de Mouret mais tout autant efficace.

    Les techniques de motivation mises en œuvre au magasin sont très novatrices pour l’époque. Mouret les perfectionne d’ailleurs au fil du roman. Si les conditions de travail ne sont, bien entendu, plus les mêmes aujourd’hui, les mécanismes de motivation utilisés sont eux toujours d’actualité et nombre d’entre eux sont toujours mis en place en entreprise.

    Cette étude nous a donc permis de dégager des concepts actuels et de tirer des enseignements concrets du fonctionnement de cette grande entreprise qu’est le Bonheur des Dames.

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